Vleck n’est pas un livre comme les autres. Au-delà du fait qu’il aborde un thème effrayant de façon curieuse et humoristique (l’enfer), cet ouvrage comporte une originalité intéressante à plus d’un titre: il existe en deux versions linguistiques, en français et…en bruxellois!
Une piqûre de rappel de notre réalité beaucoup plus nuancée que la caricature français-flamand habituelle. Mais aussi de la dramatique méconnaissance des Belges de leur culture profonde. Car notre jeune pays ne s’est pas construit sur un territoire vide sans habitants, rappelons-le!
De fait, autant le livre en français est compréhensible pour un belge francophone (même si l’usage de mots bruxellois courants a incité l’auteur a se fendre d’un lexique à la fin de l’histoire). Autant l’album en bruxellois est tout à fait incompréhensible pour la plupart d’entre nous, moi y compris. Sa lecture m’a donc renvoyé à mes propres (et honteuses) limites: étant anthropologue, je connais mieux certains pays que ma propre ville. Les choses ont toujours plus de saveur quand elles proviennent d’un « ailleurs » bien relatif dirait-on.
Mais surtout, je me demande, au-delà de l’intérêt bien compris du livre, quelles seront les réactions des consommateurs? Ne nous voilons pas la face, les dialectes ont cette connotation vulgaire et inutile en contradiction totale avec le monde rapide, efficace et uniformisé dans lequel nous vivons. Vous l’aurez compris, je considère pour ma part qu’il s’agit d’une richesse à préserver. Comme je l’ai évoqué dans un précédent billet, chaque langue, ou dialecte (ça dépend du point de vue politique mais ça reste un système d’expression verbal finalement) porte en elle une structure propre qui permet de voir le monde sous un angle nouveau. Et donc d’enrichir la pensée.
Ce sujet en tout cas mérite qu’on s’y attarde, surtout lorsqu’on sait que certains systèmes scolaires étrangers sont pensés pour acculturer des ethnies locales afin que les jeunes générations perdent leur dialecte d’origine et qu’il disparaisse avec elles. Ou, plus proche de nous, lorsqu’on entend certains belges claironner que l’unification linguistique forcée à la française fut une chose excellente (et donc reproductible à notre époque) et que le fait d’avoir voulu préserver une langue socialement peu valorisée était une absurdité.
C’est le thème qui sera traité par Françoise Ost, philosophe belge, vice-recteur des facultés Saint-Louis à Bruxelles, lors de son cycle de conférences aux mardis de la philo.be, qui débutera demain matin au théâtre du Vaudeville. l’une des questions qu’il compte aborder et qui me semble la plus intéressante est:
Et si l’impossibilité de dire le tout, véritablement et définitivement, était la marque même de la parole et le moteur du discours ?
A méditer donc… Et à débattre avec lui, j’attends vos impressions!
Plus d’infos: http://www.lesmardisdelaphilo.be/index.php?page=105&ido=3
Interview radio de Pascal Lemaître: http://www.demandezleprogramme.be/Vleck-de-Pascal-Lemaitre-le-diable?rtr=y