Déception, je ne suis pas cette personne stable que l’on croit percevoir enfant chez les quadras. Je ne me sens pas en sécurité, je n’ai pas appris à être plus polie, plus courtoise, plus patiente.. Je vis des hauts et des bas, et mes peurs d’aujourd’hui n’ont rien à envier à celles d’hier. En d’autres mots je n’ai pas appris la tempérance. Malgré mes cours de kinésiologie, de bioénergie, de feng shui, de méditation, de fleurs de Bach, d’aromathérapie, de gemmothérapie. Malgré mon initiation chamanique juste avant mes 40 ans. Malgré mes oracles, mes bougies, mon analyse des rites et rituels, mes nombreuses tentatives pour saisir le monde qui m’entoure. Il me file entre les doigts. Pourtant, quand ma quête devient moins frénétique, quand je suis mes envies, les vraies, celles qui ne proviennent pas de diktats marketing, les choses finissent par avoir un sens intéressant (ou alors je lui en donne un arbitrairement pour me rassurer allez savoir).
Chemin faisant, j’ai tout de même finis par comprendre 2-3 bricoles, dans le désordre:
- A travailler en équipe. Depuis l’école on nous bassine à collaborer avec les autres, sans tenir compte du milieu ultra concurrentiel qui nous entoure, ni du classement totalement arbitraire des élèves par année de naissance plutôt que par compétences. Réaliser à deux un travail dont les points seront distribués à 5 personnes n’apprend pas la collaboration. Elle exacerbe le sens de la justice en aiguisant le sentiment inverse. Et pourtant, il existe des moments de grâce où chacun se sent en pleine possession de ses moyens, valorisés par le sens qu’il donne à sa tâche, par son supérieur, par les valeurs de son entreprise, que sais-je, qui l’éloigne de l’envie, de la jalousie ou de l’amertume qui créent tant de souffrance dans les groupes humains. Et alors là, chacun réalise ce qu’il a à faire dans son domaine, et la magie collaborative entre en action. Et ça c’est vraiment agréable, parce qu’on va vraiment plus loin. J’en conclus que les études à Solvay ne servent pas seulement à frimer et que le management peut finalement avoir un autre intérêt qu’être un bouc émissaire pour les étudiants de gauche. Mais seulement quand il représente un mélange sain d’audace et de bienveillance, ce qui évidemment nécessite de sortir de l’ego monumental qu’on inculque aux étudiants de l’école susmentionnée. Autrement dit, c’est rare.
- A ne plus craindre de perdre l’autre. Quelle panique quand mon partenaire se mettait en colère. Tout mon corps me suppliait d’arrêter cette scie qui me broyait la poitrine, l’impression d’un effondrement intérieur, un mélange de terreur et de vide: j’allais me retrouver seule au monde, finir vieille fille, être mangée par la foule qui me jugerait inadaptée à satisfaire le mâle, comprenez “chiante”, puisque c’est comme ça qu’on qualifie les femmes qui l’ouvrent dans les années 2000, c’est comme ça. Et puis non, un jour on s’en fout. Deux options: soit on aimerait bien qu’il s’en aille vraiment parce qu’on ne l’aime plus mais qu’on n’ose pas se l’avouer / le quitter. Soit on a compris qu’au-delà de la peur d’être quittée, il y a peut-être une vraie raison de l’ouvrir à ce moment-là et de tenir bon parce que sinon, tôt ou tard, des habitudes allaient s’installer et ça finirait par nous péter dans notre figure à nous. Donc quand on est figé, avant de s’humilier en suppliant l’autre de rester quitte à s’excuser quand c’est l’autre qui est en tort, on le laisse partir et on confronte sa version avec un tiers médian honnête. Qui sera capable de nous confronter aux vrais démons: ceux qui ont déclenché le débordement émotionnel. Ils sont rarement ceux que l’on croit, mais ça vaut souvent la peine de creuser.
- Trouver ses désirs est une quête de tous les instants. Ca a commencé après mes études dans cet espace-temps de grâce où l’on peut profiter quelques semaines de ses acquis avant d’entrer dans le grand bain des “vrais adultes qui bossent” : plus d’études, plus d’emmerdes, plus de blocus, plus d’attentes parentales. Bref, le vide. Pas le vide, un vide en fait, lequel on ne sait même pas. C’est précisément là que j’ai saisis la portée de cette insupportable phrase : “il faut laisser les enfants s’ennuyer c’est important pour leur développement”. Ma mère avait la philosophie opposée : “pour qu’elle soit intelligente il faut la stimuler constamment”. Comprenez: proscrire toute tentative d’inaction de ma vie. Et là, soudainement, après m’avoir imposé un rythme calqué sur du papier à musique d’école, de danse, de tennis, de piano, de voyage, de lectures et j’en passe, je pouvais “glander”. Alors j’ai essayé de glander en imitant mon frère, ce qui revenait à gratter des cordes de guitare en inventant des mélodies de 4 secondes et à rigoler avec ses copains. De quoi? Ils ne savent plus vraiment eux-mêmes. J’ai essayé de glander en imitant mes copines mais zoner dans des centres commerciaux en essayant 3 pantalons similaires pour tergiverser pendant 54 minutes pour finalement ne rien acheter et papoter sur les réseaux sociaux ne m’attirait pas non plus. Et là, j’ai réalisé que je n’avais jamais trop prêté attention, trop occupée à vouloir devenir adulte par processus d’imitation, à ce qui pouvait susciter en moi un sentiment de joie et de simplicité. Ou arrêter mon cerveau un moment. Ou me suggérer de l’évasion, comme les fameuses madeleines (perso j’aurais préféré des friands mais pas sûre qu’ils avaient déjà été inventés les amendes devaient coûter beaucoup trop cher à l’époque). On m’avait imposé des modèles sans me dire que je n’étais pas forcée d’y adhérer. J’ai mis plus de 15 ans à réaliser que l’odeur des sous-bois en automne me ressourçait parce qu’elle me rappelait ma grand-mère, que j’aimais plus les cailloux chauds que le sable, la gestion culturelle de la France plutôt que celles d’autres pays plus lointains et insolites. Que je n’aimais pas, en fait, ces céréales que j’ingurgitais chaque matin par habitude. Que j’adore danser mais pas dans des lieux bondés. Que j’aime les spas mais pas la thalasso. Que je préfère la chaleur des vieux cafés avec leurs sièges en bois patinés par le temps plutôt que les derniers établissements à la mode. La puissance d’un carnet neuf, particulièrement un A5 avec du papier à dessin.. Et que les tous premiers rayons de soleil printaniers résonnent pour moi comme une promesse, un nouvel élan. Aujourd’hui je continue ma liste mentale, elle évolue aussi parfois. Elle n’est pas spectaculaire. Elle ne marche pas comme une baguette magique. Et pourtant, elle définit certains contours de mon identité quand elle vacille dans des zones de turbulences et de transition et ça, c’est déjà beaucoup.
- Que je n’arrivais pas toujours vraiment à (m’)écouter, mais que ça viendrait. Qui n’a pas culpabilisé un jour de ne pas assez écouter ses enfants, son partenaire, son prof, son instinct ? Les livres de développement personnel pullulent de conseils en tout genre pour “faire silence”. Sauf que pour cela, il faut parfois évacuer la soupape. Confronter ses idées. Les structurer. Les nommer. Les verbaliser pour les faire exister. Pour les regarder sous un angle nouveau. Faire émerger la puissance du verbe en quelque sorte. Évidemment l’idéal serait au préalable d’en avoir évacué tous les déchets avant de lui faire passer la frontière de nos lèvres. “Tourner 7 fois sa langue dans sa bouche” éviterait probablement bien des commérages et des propos mal placés. Mais j’ai appris en cours de CNV (communication non violente) qu’il pouvait être permis d’utiliser un proche consentant pour lâcher son chacal, comprenez la merde qu’on a dans la tête. Alors en bonne première de classe je me dis que si c’est permis…
- Que les merdes d’aujourd’hui peuvent devenir les atouts de demain. Oubliez les “ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort”, c’est faux. Au contraire, à force d’épreuves, on a plus de chance de s’user que de s’endurcir. On croit qu’on est dur et puis un moment la coupe déborde et c’est l’explosion/l’implosion selon les tempéraments. Par contre, force est de constater que, même si l’on s’en passerait bien, une merde connue rentre dans le domaine du connu (sauf trauma etc mais je parle ici par exemple de procès, ce à quoi j’ai été confrontée plus tôt que je ne l’aurais cru). On sait à priori quelles recettes/réactions ont mieux marché que d’autres, quelles temporalités et quels budgets à la grosse louche, et quelles émotions sont susceptibles d’émerger dans ces cas-là. Bref, on gagne du temps et de l’énergie parce que ce n’est plus nouveau, comme quand on décide d’acheter le chavroux produit blanc du Delhaize, c’est inscrit dans les automatismes, ça ne donne plus lieux à tergiversations, les comparatifs financiers et de goûts ayant été réalisés à un âge qui permettait d’accorder du temps à ce genre de chose. Je ne pensais pas devoir déménager si tôt, ni racheter une nouvelle cuisine. Mais en le faisant, j’ai gagné un temps considérable parce que je savais ce dont j’avais réellement besoin et ce qui était de l’ordre de la faisabilité dans un budget raisonnable.
- Qu’avoir un chat c’est trop cool.
- Que les beaux hôtels avec une vraie recherche d’esthétisme et d’authenticité sont des lieux propices à l’harmonisation des pensées (plus cher que les monastères j’en conviens).
- Qu’être propriétaire d’une maison n’est pas nécessairement un gage de sécurité. Parce qu’il faut l’entretenir, payer le précompte, le remboursement de crédit, les assurances, les dégâts, les réparations et ce, malgré les revers professionnels, financiers ou familiaux. Donc n’écoutez pas les chantres du placement immobilier, tout dépend de votre capacité à endurer le stress par moment, à épargner pour les moments plus difficiles, à réaliser des réparations vous-mêmes. Je ne possède pas ces atouts encore, alors oui, j’ai vécu des moments de grands stress, ce qui me donne une occasion en or de réaliser qu’on peut être plus angoissé quand on a plus à perdre et que la sécurité intérieure se travaille, comme son nom l’indique, de l’intérieur, et que l’acquisition de bien matériels c’est comme l’alcool, ça soulage sur le moment mais après ça empire.
8 bis. Qu’il ne faut pas essayer de figer les choses, parce qu’elles évolueront rarement comme vous l’aviez imaginé. Si j’avais intégré ce paramètres à mes travaux de maison en 2019, je n’aurais pas réalisé la salle de douche pour mes filles quand elles seraient ados alors qu’elles avaient à l’époque 3 et 4 ans, et j’aurais économisé 10 000 euros qui m’auraient été bien utile pour la maison que j’aménage aujourd’hui en 2025. Vous pouvez décliner ça à l’infini de la petite robe longue pour “le cas où” à la formation en informatique pour répondre aux besoins du marché de l’emploi alors qu’on déteste ça.
9. Que ce n’est pas grave de ne pas être proche de tous les membres de sa famille, et ce, malgré les injonctions très populaires à cet égard. Parce que chacun à une vision bien à soi de ce qu’est un soutien raisonnable en fonction de son expérience et que comme chacun sait, mieux vaut ne pas avoir d’attentes qu’être déçu/de devenir une vieille mégère qui houspille tout le monde en faisant des reproches du type “moi au moins”…